lundi 13 août 2012

Sébastien Doubinsky, Le Feu au royaume

Noir et blanc
Éric Bonnargent

Retraité, André Thiriet, 67 ans, coulait des jours tranquilles dans sa villa en Espagne aux côtés de l’amour de sa vie, Gina, qu’il a épousée alors qu’ils étaient tous deux au faîte de leur gloire à la fin des années 60. Gina, aujourd’hui atteinte d’Alzheimer, était alors une diva faisant la couverture des journaux et André, alors surnommé Dédé la Classe, bâtissait un royaume dans le milieu parisien. Ce dimanche-là, pourtant, tout bascule lorsqu’André apprend que son fils Alexandre, qui gérait ses affaires devenues plus ou moins légales, vient d’être abattu de cinq balles à bord de son cabriolet.
Débarqué à Paris pour reconnaître le corps et s’occuper des funérailles, André s’aperçoit que le royaume paisible qu’il avait construit est en feu, que son fils n’était pas celui qu’il croyait, que ses anciens complices, Franck, Gégé, le Grand Robert ou maître Vicaire, ne lui ont pas été aussi fidèles que cela. De sa Costa Brava baignée de soleil, il n’a pas vu que le monde autour de lui a changé, que le milieu n’est plus dominé par les Arabes et les Corses, mais par les Africains, les Russes, les Serbes et les Chinois. Les flics ne sont plus que de petits fonctionnaires, les truands n’ont plus aucun principe et c’est à coups de révolver, de marteau et d’acide chlorhydrique qu’André va tenter de restaurer l’ordre. Cependant, rien ne sera facile pour un vieil homme submergé par la tristesse et les désillusions :

« Je me suis relevé et j’ai fait quelques pas dans la pénombre. J’avais envie de frapper un mur, mais j’avais peur de me fracturer la main. Ostéoporose. »

Présenté sous forme de journal, ce court polar signé Sébastien Doubinsky est aussi efficace qu’intelligent. Le Feu au royaume fait montre de qualités cinématographiques incontestables. Le lecteur aura l’impression d’avoir affaire à des personnages tirés d’un vieux film de Georges Lautner se débattant dans le monde actuel, dans un Paris où, constate amèrement André (difficile de l’imaginer autrement qu’avec les traits d’un Lino Ventura vieillissant), le demi ne coûte plus cinquante centimes. Emporté par ses réminiscences d’un Paris à jamais disparu, André s’exprime comme si ses paroles lui étaient dictées de l’Au-delà par Michel Audiard :

« Il faut toujours se méfier des types qui ont l’air con. C’est généralement eux qui vont peser sur votre destin, d’une manière ou d’une autre. »

Le Feu au royaume comblera ainsi de plaisir tous les amateurs de polars et de cinéma français d’après-guerre.




Sébastien Doubinsky, Le Feu au royaume. Le Petit Écailler. 7 €

1 commentaire:

  1. Bonsoir, je le note pour deux raisons: j'aime découvrir des auteurs que je ne connais pas et j'aime le genre polar. En plus, le prix de vente n'est pas excessif. Bonne soirée.

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